CHAPITRE 9
LA JÉRUSALEM
DIVINE ET
L'ANARCHISME DE
DIEU
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LA JÉRUSALEM « CÉLESTE
»
Qu'elle arrive l'an prochain, cette
Jérusalem-là ! Qu'elle arrive même
cette année, Seigneur notre Père ! Qu'elle
descende enfin d'en haut pour couvrir et remplir notre
terre ! Ton Règne, qu'il arrive vite, ô
notre Dieu !
«
Un grand signe apparut dans le ciel : une
femme enveloppée du soleil comme
d'un vêtement. Elle avait la lune sous
ses pieds et une couronne de douze
étoiles sur la tête ...
L'ange me transporta
au sommet d'une très haute montagne.
Il me montra la ville sainte.
Jérusalem, qui descendait du
ciel. Envoyée par Dieu, elle
resplendissait de la gloire de
Dieu ...
» (Apocalypse 12
. 1 et 21 . 10)
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Voilà la « Jérusalem céleste
», selon le témoignage prophétique
donné pour nous par Jean le prophète,
à Patmos.
Je viens de rapprocher deux passages du dernier livre
de la Bible : l'Apocalypse de Jean :
Le,premier, au début du
chapitre 12, nous présente une femme
resplendissante de gloire, C'est Jérusalem,
elle-même représentative de l'Israël
fidèle qui attendait avec foi la venue du Messie,
le « consolateur » et le «
libérateur » promis.
Cette figure féminine
symbolise Sion où le Seigneur Dieu
« engendre » le Roi Sauveur selon
le psaume 2. Elle est la
représentation métaphorique et
emblématique de la Jérusalem
fidèle de laquelle Dieu fait
naître et par laquelle il donne
à Israël, et à tous les
peuples, le Libérateur annoncé
: son fils. ressuscité, est «
enlevé au ciel » pour toujours
victorieux et hors d'atteinte des attaques du
Diable. Alors Satan se retourne contre les
enfants de Jérusalem qui, eux, vont
vivre sur la terre cette épreuve et ce
combat, « dans le désert des
nations, jusqu'à la mort du Diable
». Ces fils de Sion sont à
la fois les Israélites et tous ceux
des « nations » qui sont
agrégés à Israël
par leur foi au Messie.
En aucune façon cette femme ne
peut représenter la Vierge Marie !
Et pas d'avantage «
l'Église » au sens que ce mot
a pris depuis des siècles : l'ensemble
des assemblées
paqano-chrétiennes du «
christianisme » se situant en
héritière du
«judaïsme», en face
d'Israël, donc «contre»
Israël, « contre »
Jérusalem.
A cet égard, la liturgie catholique de
la messe du 15 août, par exemple, est
significative de l'antisémitisme
chrétien qui reporte sur «
l'Église » et même sur «
Marie figure de l'Église » ce que la
Parole de Dieu dit de Sion-Israël !
Usurpation catastrophique que cette «
théologie de la substitution »
!
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Le. second passage (21 . 10) ouvre la
merveilleuse description de la Jérusalem finale
qui remplit les chapitres 21 et 22 de l'Apocalypse.
Description en termes imagés et symboliques de
cette Jérusalem nouvelle, éternelle et
céleste qui, donnée par Dieu et uvre
de ses mains en Jésus-Christ, vient «
d'en-haut » et descend « ici-bas » («
habitat » définitif d'une humanité
nouvelle, le « corps » du
Messie-Jésus).
«
Puis je vis un ciel nouveau et une nouvelle
terre. Le premier ciel et la première
terre avaient disparu et il n'y avait plus de
mer (=
l'abîme du chaos, des forces
démoniaques et de la
Mort). Et je
voyais la Ville sainte, la nouvelle
Jérusalem, qui descendait du ciel,
envoyée par Dieu, prête comme
une mariée qui s'est faite belle pour
aller à la rencontre de son mari. Et
j'entendis une voix forte qui venait du
trône et qui disait : maintenant, la
demeure de Dieu est au milieu des hommes
» (21 . 1
à 5)
|
Pour éviter des erreurs au sujet de cette
Jérusalem céleste, voici une brève
remarque sur le mot « céleste
» :
Souvent synonyme de «
de Dieu», ce mot ne signifie pas ici
« qui sera située
éternellement au ciel ». Cela
voudrait dire, dans ce cas, que notre vie
éternelle se déroulera «
au ciel ». Or, le texte dit le contraire
puisqu'il montre la nouvelle Jérusalem
qui « descend » du ciel. Et
la suite ne dit nulle part qu'elle remonte ou
repart « au ciel ».
La même erreur se retrouve,
d'ailleurs, dans lo compréhension
(familière aux milieux
évangéliques de Réveil
et aux « millénaristes ») du
texte paulinien de I Thessaloniciens A . 16 :
« au son de la trompette de Dieu, le
Seigneur lui-même descendra du
ciel. Alors ceux qui seront morts en croyant
ai Christ reviendront à la vie en
premier lieu ». ce verset dit que la
Parousie de Jésus sera sa «
descente » du ciel. Est-ce que
Paul ajoute qu'ensuite Jésus remontera
« au ciel », y emmenant avec lui
ses élus ressuscites pour qu'ils
soient ensemble «ai ciel » ?
Nullement ! Et «
l'enlèvement» dont il est
question ai verset 17 ne peut être
compris que dans le sens d'un
affranchissement des lois de ta pesanteur et
d'un transfert « en l'air », dans
l'atmosphère, pour y rejoindre le
Seigneur en train de descendre ... et pour
aller avec lui jusqu'au terme de cette
descente décisive et définitive
qui le fera « demeurer «
avec les hommes ici-bas sur une terre
transformée.
Cet usage abusif du mot «
céleste » imprègne
tellement toute la piété, les
chants, la liturgie et la
catéchèse de: diverses
traditions chrétiennes qu'il est
probablement vain d'espérer une fin
à cet « idéalisme
platonicien et gnostique» qui remonte
dans l'histoire bien plus haut que St
Augustin lui même, lui qui en fut un
des grands coupables ! Il suffirai' pourtant
de revenir à la façon dont les
juifs du 1 er siècle (Matthieu par
exemple) employaient les mots « des
cieux » <» « du
ciel ». Ils voulaient éviter
de dire le mot sacré indicible :
« Dieu » (exemple : « le
Royaume des cieux» au lieu de dire
« le Royaume de Dieu »). Le mot
« divin », alors
conviendrait mieux que le mot «
céleste ».
|
Ainsi, lorsque nous parlons de la
Jérusalem « céleste » nous:
voulons parler de la Jérusalem « divine
» qui vient de Dieu et qui n'es pas
construite et réalisée par les hommes.
Paul, de la même manière distingue et oppose
la Jérusalem « d'en-bas » (exactement
« la Jérusalem
factuelle », « qui est esclave,
avec ses « enfants »), à la
Jérusalem « d'en-[haut », « qui
est libre, et qui est notre mère » (Galates 4
. 25 à 27), et [dont nous sommes les enfants
(v. 31).
Cessons donc de dire que c'est
l'Église qui est notre mère et Proclamons
que notre mère est la Jérusalem de Dieu qui
vient. Et ne cherchons pas à être citoyens
israéliens car la Jérusalem actuelle
|(réunifiée ou pas) n'est pas notre
mère : elle est « esclave » !
La Jérusalem qui vient bientôt
« d'en-haut » est notre mère, notre
[patrie, notre cité et notre
citoyenneté éternelle (Philippiens 3 . 20).
C'est fia même que la Jérusalem
fidèle qui, au premier siècle, a mis au
monde [le Messie et avec lui l'Israël nouveau du
Royaume de Dieu. C'était le peuple humble et
fidèle de Zacharie et d'Élisabeth, de
Joseph et de Marie, de Siméon et d'Anne la
prophétesse, etc...
C'est cette sainte communauté des
« pauvres de IHVH » qui a [donné
naissance au Roi Messie que le Seigneur d'Israël a
ressuscité et consacré en lui disant :
« c'est toi qui es mon
Fils. A partir d'aujourd'hui, [c'est moi qui
suis ton Père ... Ton domaine s'étendra
jusqu'au bout du monde ». (Psaume 2 . 7
à 9)
*
Oui, assurément, la « solution
finale » du problème de Jérusalem
Infect autre que cette Jérusalem
divine dont la « parousie » est
promise, en même temps que la « parousie
» du Messie Jésus de Nazareth, le seigneur de
l'Histoire universelle.
Mais que dit encore l'Apocalypse de Jean de
cette Jérusalem dont ll'avènement
irrésistible a été annoncé et
inauguré par l'irrésistible ascension
politique de ce « rebelle » crucifié
lors de la Pâque juive, hors murs de la cité
sainte ? Quelles précisions trouvons-nous,
à la fin de livre, sur ce « Royaume »
qui est la solution divine du « problème de
lïérusalem » ?
LA JÉRUSALEM NOUVELLE
«
Et je voyais la ville sainte, la
Jérusalem nouvelle, qui descendait du
ciel ».
(Apocalypse 21 . 2)
|
C'est le qualificatif de « nouvelle
» qui caractérise aussi la cité
humaine perpétuelle qui vient vers notre terre,
déjà toute prête dans l'invisible de
Dieu, création nouvelle et inimaginable.
Ce mot « nouveau » (au sens
d'inédit, de totalement inédit, de
«jamais vu ») est constamment employé
par le Nouveau Testament pour qualifier les
réalités eschatologiques,
c'est-à-dire les réalités du Royaume
de Dieu, aussi bien en temps (« ère,
siècle, âge nouveau ») qu'en espace
(« terre, humanité, monde nouveau »,
etc...) :
«
Voici, je fais toutes
choses nouvelles. »
(Apocalypse 21 .5)
|
Pour transmettre brièvement ce qu'en
pense Jean, le prophète de l'Apocalypse, suivons
simplement les explications de Pierre Prigent (auteur du
gros commentaire récemment publié chez
Labor & Fides : « l'Apocalypse de Saint Jean
» p. 448 - 485) :
- pour comprendre ce que sera la
Jérusalem qui vient, il faut voir que Jean la
décrit de trois façons différentes
mais complémentaires (du chapitre 21 . 1 au
chapitre 22 . 5).
En premier lieu la
Nouveauté du « siècle à venir
» mettant fin au « monde présent »
est présentée comme le monde nouveau
(2l . 1 -8) : un monde tellement « autre
» que « il n'y aura plus de mort, plus de
deuil, plus de lamentations, plus de douleur. Les choses
anciennes auront disparu ». Inconcevable humainement
! Mais c'est Dieu qui crée cela. Et
la perfection de cette terre nouvelle provient du fait
que Dieu lui-même y est présent, totalement,
immédiatement, et directement présent,
bénissant chaque membre de cette humanité
nouvelle où le mal n'a pas droit de cité
:
« C'est la
demeure de Dieu au milieu des hommes.
Il demeurera avec eux et ils seront
son peuple. Dieu lui-même sera
avec eux et il sera leur Dieu. Il essuiera
toute larme de leurs yeux ...
»
(« Emmanuel » = « Dieu
avec nous ») (Matthieu 1 .23)
|
En second lieu cette
même réalité du Royaume de Dieu est
décrite avec le langage des prophéties
anciennes qui annonçaient la restauration du
Royaume d'Israël autour de sa capitale
éternelle, Jérusalem.
Là encore l'essentiel est dans le fait que «
Dieu est là », à domicile si j'ose
dire. Mais maintenant deux nouveautés inouïes
s'accomplissent : d'une part c'est le monde
entier que remplit cette « métropole
royale », d'autre part le « Roi » en qui
Dieu lui-même est vu face-à-face n'est autre
que « l'Agneau immolé »
(chapitre 21 . 9-27).
Les mesures fantastiques de cette
cité sainte éternelle (un peu plus de 2000
km pour un côté ! Sans compter une hauteur
du même ordre qui fait de cette métropole un
cube conforme au Lieu très saint de l'ancien
Temple, demeure secrète d'IHVH !) sont là
« pour exprimer l'ampleur de ce que Dieu crée
lui-même ». Et là, point
besoin du Temple car l'Agneau est le Temple, et sa Sion
toute entière est devenue la Maison de Dieu, aux
dimensions de toute la terre.
Oui, le ciel sur la terre ! "
-
En troisième lieu, en
effet (chapitre 22 . 1-5), c'est l'image « mythique
» du Paradis (l'Éden
primitif selon Genèse 2) que Jean utilise
pour donner une idée de ce Royaume qui vient, avec
l'ère nouvelle du salut universel et
éternel. « L'ère nouvelle est
annoncée comme un paradis », avec son fleuve
de Vie, son arbre de Vie, sa lumière et sa gloire,
tout cela émanant du trône de Dieu et de
l'Agneau.
Mais « il ne s'agit pas d'un simple
retour aux âges d'or des origines». C'est un
accomplissement qui répare les effets de la chute,
mais aussi un dépassement inouï qui gratifie
l'humanité entière des
bienfaits de l'arbre de Vie, c'est-à-dire de la
Vie éternelle qui est la communion à la vie
de Dieu lui-même.
II est clair que ces trois
éléments différents forment une
unité. Ils contribuent, ensemble, à donner
une description imagée de ce que va
être le monde nouveau destiné à
succéder à l'ancien monde. Bien sûr,
chacune des trois composantes a son symbolisme propre et
sa façon de parler empruntée aux anciens
prophètes. Mais « il ne faut pas prendre les
trois parties comme les descriptions d'étapes
successives, ni même comme des présentations
de réalités distinctes, mais bien comme
trois aspects, trois éclairages
prophétiques de la Fin ».
Cependant, ce mot, la « Fin »,
est ambigu. Précisons donc bien qu'il faut
distinguer les deux sens :
la « fin »
veut dire d'abord cessation, disparition et mort de ce
qui a été. En ce sens-là, la «
fin » de notre monde sera bien une
mort, une disparition et une cessation. «
Que ce monde passe ! » priaient nos pères du
1 er siècle. Or, d'ici la fin de ce monde, il y a
et il y aura guerre « à mort »
(Harmaguédon) entre Dieu et les Puissances qui
structurent et perpétuent ce monde.
Mais le mot « fin
» veut dire aussi dénouement,
conclusion, aboutissement. En ce sens-là nous
proclamons magnifique le Dénouement de l'Histoire,
magnifique la conclusion de la
tragédie humaine, magnifique le dernier mot du
Père sur l'issue de l'aventure de cette terre.
Puisque ce dénouement va être
l'arrivée du Règne de Jésus. Et
puisque c'est son Avènement qui va, « en un
clin d'il », faire disparaître les
choses anciennes.
Aussi ne faut-il pas dire « que ce
monde passe ! » ou « qu'on en finisse ! »
sans dire auparavant et avant tout : « que
ton règne vienne ! »,
oui, qu'il vienne « bientôt
» !
Georges SIGUIER . 14 rue
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