CHAPITRE 8
JÉRUSALEM ET SION
Alors qu'à l'origine " Sion"
désignait l'une des hauteurs dont l'ensemble
devint plus tard le site géographique nommé
" Jérusalem " ...
..." Jérusalem et
Sion sont synonymes et désignent
à la fois la ville, le pays et ensuite
le peuple juif tout entier. Ces trois notions
ont fusionné symboliquement en une
grande unité...
Cela permet de comprendre les formes
modernes et laïques de cette
réalité historique. C'est d'une
ville, Sion, et non d'un pays ou d'un peuple
que le mouvement national juif moderne a
tiré son nom: le sionisme.
Jérusalem est au centre de la
prière juive, de l'observance juive,
de l'existence juive, tout comme elle fut, au
long des siècles, le pôle de la
nostalgie juive."
(extrait, p. 35 & 36,
de " Jérusalem " - P.U.F " Que sais-je
"
par Maurice Konopniki et Eliezer Ben
Raphaël )
|
.
LA GENÈSE DU SIONISME JUIF
Elle se situe au cours du 19 ème siècle.
Ce siècle avait été marqué
par d'importantes évolutions idéologiques
et politiques, surtout en Europe : développement
des idées issues de la philosophie des "
Lumières " et de la Révolution
française, réveil des nationalités,
progrès et même culte de la raison et de la
science, aspiration à une modernité
progressiste jugée incompatible avec
l'archaïsme des traditions religieuses, etc...
Tout cela, en Europe occidentale, entraînait le
judaïsme éclairé et cultivé
vers un éloignement rapide par rapport à
l'immobilisme traditionnel des juifs dispersés au
milieu des nations. Un livre récent de deux
universitaires juifs résume ces changements :
" Les juifs
réformés, en Allemagne du 19
ème siècle, s'ingénient
à donner de la religion juive l'image
la plus acceptable par l'environnement
non-juif, une image " civilisée ",
adaptée à la modernité
où s'engage le judaïsme,
désireux d'obtenir une
émancipation légale qui tarde
à venir, malgré
l'intégration en marche....
Mais, parallèlement, on se mit
à légitimer le droit historique
à la réimplantation du peuple
sur sa terre, aussi bien par des motifs
religieux (la Tora) que par des motifs
juridiques (la continuité
séculaire de la présence juive
en terre d'Israël) ...
Très progressivement le sionisme
politique s'est construit à l'aube de
la grande période du colonialisme
européen ... Et Sion fut choisie parce
qu'elle était la seule terre en mesure
de susciter, en monde juif, l'émotion
et l'enthousiasme nécessaires au
succès d'une immigration (faite pour)
créer une société
nouvelle à partir d'un peuple
dispersé ...Le sionisme allait devoir
recréer de toutes pièces la
terre d'Israël. "
( " Israël, la terre et le
sacré " , par Attias et
Benbassa, Èdit Flammarion p. 170
à 182 & 209 à
211)
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Telle a été la genèse du sionisme
juif au 19 ème siècle. Pour que, au milieu
du 20 ème siècle, se réalise le
succès de cette politique par la création
de l'état d'Israël (1948) puis par la prise
de souveraineté sur la totalité de
Jérusalem (1967), il aura fallu, au
préalable, la tentative d'extermination des juifs
par les nazis, la seconde guerre mondiale, les
décisions politiques des vainqueurs (O.N.U.) et
plusieurs guerres israëlo-arabes.
En cette année 2001, l'état juif
né du sionisme est toujours là,
protégé par les armes mais plus
menacé que jamais et plus angoissé que
jamais devant son avenir.
L'ÉTAT JUIF ET DIEU
En parlant un peu, maintenant, de cet État
sioniste dans son rapport à Dieu, je rappelle
qu'il s'agira là d'Adonaï IHVH, le Dieu des
juifs et de Jésus de Nazareth. Et nullement "
d'Allah" ou de cet " Être suprême " que la
chrétienté occidentale invoque souvent sans
le savoir...
Depuis la naissance de l'État d'Israël les
juifs croyants ont toujours vu dans cet
événement un acte et un don divins. Et la
pensée théologique, dans son ensemble, n'a
pas cessé d'y voir la réalisation des
prophéties sur le grand Retour et le grand
rassemblement eschatologique des fils d'Israël.
Par exemple la prophétie de
Jérémie 31 :
" Je
te rétablirai, chère
Israël ...Poussez des cris de joie pour
Israël: le Seigneur sauve les survivants
d'Israël. Il déclare en effet :
je vais les ramener du pays du Nord et les
rassembler des plus lointaines
contrées .. Mon peuple revient au
grand complet, je suis comme un père
pour Israël."
(Jérémie 31 . 1-9 trad.
français courant)
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Significatifs, à cet égard, sont les
propos de l'écrivain juif Paul Giniewski :
" Le surgissement de
l'État juif est un acte et un
phénomène de
rédemption sans
précédent et, religieusement
parlant, une nouvelle
révélation, un
renouvellement de l'alliance du
Sinaï. Depuis Moïse et jusqu'en
1948, Israël a vécu dans le temps
où la conscience de Dieu avait pour
origine l'Exode. Or, Jérémie
avait annoncé un temps
différent où on ne dira plus "
l'Éternel qui a fait monter les
enfants d'Israël du pays
d'Égypte", mais où on dira "
l'Éternel qui les a ramenés de
toutes les contrées où il les
avait exilés ". La restauration
d'Israël a marqué
l'avènement de ce temps
nouveau. "(revue " Foi & Vie "
N° avril 2001, p. 84)
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J'ai souligné, dans ce texte, les mots et les
expressions qui me semblent caractéristiques de
cette interprétation sioniste des
prophéties et de la volonté d'IHVH pour son
Israël: " rédemption ", " nouvelle
révélation ", " renouvellement de
l'alliance ", " avènement d'un temps nouveau ". Je
réagis non seulement par de l'étonnement
mais par un refus catégorique de cette
interprétation à cause de ma foi au Messie
Jésus: je témoigne que pour nous, disciples
de Jésus, ce Messie juif seul est la
rédemption, l'alliance nouvelle, le
créateur du temps nouveau du salut et le
rassembleur (" de tous les pays du monde " ) de
l'Israël nouveau, accompli et ressuscité,
réunissant juifs et non-juifs qui croient en
Jésus. Et j'ajoute, en insistant, que seule la
Parousie de Jésus accomplira, au plein sens du
terme, toutes les promesses prophétiques,
notamment celle de Jérémie qui vient
d'être citée. Seul le Christ "
crucifié-ressuscité et qui vient pour
l'ultime avènement " est l'accomplissement total
de la volonté d'Adonaï, le Seigneur et le
Père d'Israël.
Il faut déplorer que tant de chrétiens "
sionistes " paraissent ignorer cela lorsqu'ils
soutiennent, glorifient et servent l'État
d'Israël ! Alors qu'on comprend parfaitement que
cela soit la foi des juifs qui ne croient pas à la
royauté divine du Messie Jésus !
Je viens de parler de la "
volonté " de Dieu, de ce que "
Dieu veut " ou a voulu ou voudra. Qu'on me
permette donc ici une petite parenthèse "
théologique" à ce sujet. Elle devrait
permettre de ne pas nier que, d'une certaine
façon (et sans considérer
l'État juif comme " de droit divin " ), ce retour
contemporain d'une bonne partie des juifs sur leur terre
est une réalité historique qu'Adonaï
intègre dans sa secrète et souveraine
stratégie de " géopolitique "
NOTE THÉOLOGIQUE : LE VOULOIR
DIVIN
Bien sûr, dés qu'on parle de Dieu ou
qu'on parle à Dieu, on fait de la "
théologie " (c'est-à-dire: "parole sur Dieu
"). Il est exact aussi que, lorsqu'on parle de " Dieu ",
on risque de ne pas parler du Dieu d'Israël et de
Jésus. André Chouraqui n'a pas cessé
de rappeler cela aux " pagano-chrétiens " actuels
! Mais quand on parle de ce que Dieu " veut ", bien des
pièges nous attendent : les croisades du Moyen
Âge pour libérer les " lieux saints " ( ! )
ne se déclenchaient-elles pas par les
prêches enflammés criant " Dieu le veut ! ".
Et n'est-ce pas une interprétation identique du
vouloir de Dieu qui, aujourd'hui même, galvanise
toute une "chrétienté " patriote pour
justifier nos modernes guerres " justes " ?
Il faut donc remarquer d'abord l'ambiguïté
du mot " vouloir " pour dire la volonté divine.
Tantôt ce mot indique ce que Dieu prescrit,
ordonne, commande en faisant appel à notre
obéissance pour une mise en pratique (par exemple
le " aimez vos ennemis " de
Jésus). Tantôt ce même mot indique ce
que Dieu permet, tolère, laisse faire, ou parfois
ce que Dieu a voulu pendant un temps et qu'il n'a plus
voulu par la suite. C'est pourquoi, à la question:
" oui ou non Dieu a-t-il voulu ceci ou cela ? ", il faut
souvent répondre : " oui et non " ou " non et oui
".
Exemples :
Le Seigneur a-t-il voulu le régime
de la royauté en Israël (I Samuel 8) ?
Réponse : " non et oui ".
Dieu a d'abord dit qu'il ne voulait pas
cela. Puis il a concédé la royauté,
tout en l'intégrant à ses plans : il a
voulu David ... le " Roi des juifs "
Jésus !
Le Seigneur a-t-il voulu la croix de son
Fils ? Réponse : " non et oui ".
Non, Dieu n'a pas ordonné ni prescrit ni
réalisé la mise à mort de
Jésus !! Il n'a pas " voulu " cette horreur !
Cependant, sa " volonté " divine a permis et
intégré cette mort au point de changer ce
mal en bien en faveur des criminels eux-mêmes. Ce
fut sa "volonté "!!
Le Dieu vivant est plus libre, plus
déconcertant (cf Jonas), plus imprévisible,
plus capable de changements d'idées que ne le
sauront jamais toutes nos théologies ! Et n'allons
pas dire qu'il n'est pas tout-puissant : il est Dieu,
" je suis ..."
(Exode 3). Sa toute-puissance a le secret et le pouvoir
de changer le mal irréparable en bien tout
à fait imprévu (Genèse 50 . 19). Et
il est suffisamment tout-puissant pour se faire
totalement faible, par amour, et se rendre " tout petit "
comme il l'a fait en Jésus-Christ, sur la
croix.
Mais " la faiblesse de Dieu
est plus forte que les hommes "
(I Corinthiens 1 . 23-24)
Alléluia !
Appliquons-nous donc à distinguer soigneusement
le sionisme humain de cet étrange sionisme divin
que la Bible d'Israël nous révèle.
Georges SIGUIER . 14 rue Saint
Jacques 81200 MAZAMET
Suite : 160-sion_d-haut.html