PROLONGATIONS ARBITRAIRES ?
La longue patience de Dieu, à travers
l'histoire, consiste-t-elle en une suite irrationnelle de
prolongations improvisées, sans motif, au hasard,
de sorte qu'il serait téméraire et impie de
chercher à comprendre les temps et les plans du
Père ?
Non, Dieu a son plan, son programme et ses
méthodes, et l'Esprit Saint nous pousse à
les connaître, pour "entrer" dans la façon
divine de penser le temps. L'apôtre Pierre
écrivait :
" Sur le salut ont
porté les recherches et les
investigations des prophètes ...
Ils
recherchaient à quel temps et à
quelles circonstances se rapportaient les
indications données par l'Esprit
du Christ qui était
présent en eux ..."
(1 Pierre 1 . 10-12)
|
Ainsi le Père a conçu et mis en
oeuvre, dés le temps des pères
d'Israël (Abraham, Isaac, Jacob, ...) son projet et
son programme de "bénir toutes les familles de la
terre" par le moyen de ce "serviteur de
l'Éternel", ce petit peuple des hébreux.
Ensuite, c'est par l'envoi de son "Fils", ce "Fils de
l'Homme" résumant et concentrant en sa personne
toute la vocation et toute la fidélité
d'Israël, que le Père a "accompli" son plan
de salut.
Non pas hors du temps, mais dans notre temps ; non pas
dans un temps "cyclique" d'un éternel retour des
choses, mais dans le temps "linéaire", ce temps
réel de l'Histoire de notre monde qui a eu un
commencement et qui aura une fin. Et comme le temps de
cette Fin ("les derniers temps " ou " la dernière
heure" ) a commencé par la résurrection et
l'élévation au pouvoir divin de ce Fils de
l'Homme crucifié, de même la fin de cette
"Fin du monde" va se produire par la soudaine
interruption du "siècle présent"
grâce au "retour du Christ".
Et cette "Arrivée dans la gloire du
Père" sera le "Jour de Dieu",
c'est-à-dire l'ultime Venue de Dieu lui-même
pour sauver ce monde en le changeant en
"Royaume".
POURQUOI TANT DE TEMPS ?
Bien sûr, c'est à l'échelle de
notre planète et de la longue histoire humaine que
Dieu prend son temps et le domine. Ce n'est pas à
l'échelle d'une existence individuelle ! Et, pour
lui, "mille ans sont comme un
jour".
Il n'en est pas moins vrai que bien des erreurs
"théologiques" doivent être
évitées. Il est faux , par exemple, de dire
que "Dieu est hors du temps" ou que "pour Dieu il n'y a
pas de temps". En réalité, le "Seigneur des
cieux et de la terre" est à la fois dans tous les
temps et au-dessus de et au-delà de
tous les temps ! Tout comme il est à la fois et en
même temps "au-dessus de tous les cieux" et ici,
là, "dans le secret de ma chambre". Tout comme, au
grand Jour historique de l'Avènement du Christ,
son action divine sera créatrice d'un ordre des
choses "biologiquement" nouveau. Donc, attention,
même le concept d'éternité (notion
philosophique plus que catégorie biblique !) nous
joue de mauvais tours si nous la comprenons comme le
contraire du temps, un "non-temps" mythique !
En fait le Père (et pas seulement le Fils) est
entré dans notre temps historique en faisant
alliance avec les hommes et en y déroulant
historiquement la réalisation de sa promesse de
salut mondial. Que manque-t-il donc encore, après
vingt siècles d'attente, pour que l'ultime
accomplissement (la "Parousie" du Fils et la
résurrection des fils de Dieu) rende effective,
définitive et universelle la victoire
déjà remportée en l'an 30 à
Jérusalem ?
La réponse me paraît
entièrement contenue dans la
prophétie de Jésus à ce sujet :
"Il
faut d'abord que l'évangile
(la bonne nouvelle du Royaume) soit
annoncé à toutes les nations,
dans le monde entier. Alors viendra la
fin."
(Marc 13 . 10, Matthieu 24. 14)
|
La "nécessité" de cette "
mondialisation-là est la raison de cette
longue Patience.
Or, n'est-elle pas achevée, cette
mondialisation ?
LE TEMPS DES NATIONS
Cette expression est employée par
l'évangéliste Luc dans cette phrase
importante sur laquelle nous nous sommes
arrêtés longuement :
"Jérusalem
sera foulée aux pieds par les nations
jusqu'à ce que le temps des nations
soit accompli."
(Luc 21 . 24)
|
Le mot grec traduit ici par "nattions" signifie : les
habitants de la terre qui ne sont pas juifs, les
multiples ethnies qui ne font pas partie du peuple
d'Israël, les non-juifs (quelles que soient par
ailleurs les croyances de ces individus et de ces
peuples).
Les diverses traductions de ce mot ("gentils",
"nations", "païens") posent des problèmes et
provoquent des malentendus. Surtout le mot "païen"
qui garde un sens populaire "d'incroyant "!
Mais que veut dire l'expression "le temps des nations
" ? Propre à l'évangéliste Luc qui a
le sens de l'Histoire et insiste sur ces "derniers temps"
inaugurés par la Pâque du Messie
crucifié et glorifié, cette expression a
les significations suivantes :
Le "temps des nations" est le temps de la
patience de Dieu à l'égard des
multitudes humaines qui peuplent notre monde : le
Père retarde le jugement de cette terre et de ses
habitants et prolonge l'histoire pleine de ses
bénédictions.
C'est donc la période historique durant
laquelle le Seigneur de l'Histoire tolère et
supporte que les Pouvoirs
politico-militaires des étrangers foulent aux
pieds sa cité sainte,
Jérusalem.
Mais "le temps des nations" est surtout le temps
de "l'évangélisation"
du monde en vue du salut de tout être humain :
"On
proclamera en mon nom le retour à Dieu
et le pardon des péchés
à toutes les nations, commencer par
Jérusalem"
(Luc 24 . 47)
|
Et lorsque ce témoignage aux nations sera
à son terme (en notre génération !),
alors c'est "tout Israël" que
Jésus sauvera.
LA MISÉRICORDE ANNONCÉE
Où Dieu veut-il en venir, finalement ?
Si, là-dessus, on interroge l'évangile,
la réponse qu'on en reçoit est claire :
"l'arrière-pensée" de Dieu et la
finalité de toute l'Histoire qu'il conduit se
résument dans son désir de faire
miséricorde à tous. La raison
dí'être de sa "colère" et de ses
sanctions est, pour finir et au bout du compte, de sauver
tous les hommes :
"Dieu
veut que tous les hommes soient sauvés
et parviennent à la connaissance de la
Vérité."
(1 Timothée 2 . 4)
"Dieu a
enfermé tous les hommes dans la
désobéissance afin
de faire miséricorde à
tous." (Romains 11 . 32)
|
Pourquoi? Parce que Dieu
EST AMOUR" (1 Jean 4 . 8). C'est parce
que, dans son être même, il est tout amour et
que le but final de toutes ses actions (ses "jugements")
est d'en arriver à
"faire
miséricorde", gratuitement et sans
y être obligé. Sa miséricorde, c'est
son pardon en actes : le don de
Jésus pour tous.
Telle a été la miséricorde de
Dieu dans la première venue de son Fils (il est
mort et ressuscité pour tous), telle va être
la miséricorde de Dieu dans la seconde et ultime
venue de son Fils (pour les juifs d'abord, pour les
non-juifs ensuite).
Et n'opposons pas l'amour de Dieu (qui sauverait "
automatiquement " !) à la sainteté de Dieu
(qui en damnerait nécessairement certains !) ! Car
"la sainteté du Père" (= il est unique en
son genre, tout autre) c'est qu'il est
amour.
Et cet amour a la "colère" comme l'une de ses
composantes. Le sens biblique de ce mot "colère "
est : la punition ou la destruction du mal. La "
colère " contre Sion et Israël,
annoncée par Jésus, arrive à son
terme ... après près de vingt
siècles. La "colère "contre ce monde va
culminer en disparition du "vieux" monde englouti dans le
Royaume arrivant.
LE SOI-DISANT "JUGEMENT DERNIER "
J'ai déjà employé cette formule
polémique et provocatrice pour dénoncer la
subversion du "christianisme" en "religion" (= voie du
salut) par l'intrusion séculaire d'une notion d'un
"jugement dernier" qui est profondément
"païenne".
Expliquons-nous brièvement : au coeur de la
plupart des religions, archaïques ou toujours
actuelles, il y a cette croyance à un
"au-delà " de la vie personnelle, au-delà
bon (paradis) ou mauvais (enfer). Accompagnant cette
croyance, il y a, en général, un autre
croyance : celle d'un dieu-juge qui
statuera sur le sort définitif de chaque individu,
quant à cet au-delà, en fonction de la
conduite ou des oeuvres pratiquées la vie durant.
Souvent associée à ces croyances, il y a la
notion d'une immortalité de "l'âme" humaine,
âme qu'un "jugement dernier" (divin et sans appel)
doit "peser" aux balances de la Justice Suprême.
Depuis le "Livre des MortsÝ"de l'ancienne
Égypte jusqu'aux oeuvres d'art qui ornent nos
cathédrales, ces croyances sont là .
Et elles ont droit de cité dans les
théologies et les pratiques des églises
chrétiennes !
Leur nocivité spirituelle, à
l'intérieur de la foi chrétienne, a ceci de
grave et de dramatique : elles transforment le
"Père des miséricordes" en un terrible Juge
qui " attend chacun au tournant" pour "lui régler
son compte", et cela "pour l'éternité "
!
Bien plus ! En transférant sur Jésus
lui-même, au "dernier jour", ce rôle et cette
figure du Roi redoutable, elles empêchent
d'attendre avec allégresse l'Arrivée finale
du Sauveur et poussent à prier : "Seigneur,
reviens le plus tard possible ".
Or, ce n'est pas pour "juger" les vivants et les morts
qu'il vient. Il vient pour
"régner
"sur eux, et pour SAUVER
!
ET MATTHIEU 25 ?
" Oui, cet important passage (25 . 31-46) de
l'évangile, qu'en fais-tu ?
La traduction oecuménique (T.O.B.) a-t-elle
tort de donner comme titre à ce texte :
"le jugement dernier " ?
Et ont-ils tort, les P. Osty et Trinquet, de
renchérir en intitulant : les
assises du jugement dernier ?
Oserai-je répondre que oui, que mes
frères biblistes, là, ne sont pas bien
inspirés ? Je l'ose, et voici pourquoi :
Cette saisissante description prophétique de ce
que va faire le Fils de l'Homme à son "retour" ne
parle pas des décisions dernières de
Dieu lui-même. Elle annonce l'oeuvre
dont est chargé le Fils, tout comme le font les
deux paraboles qui précèdent, celle des
"dix vierges" et celle des "talents".
Le contexte (ch. 23, 24 & 25) traite de la
Parousie et de l'Avènement
de Jésus rassemblant sa
Jérusalem nouvelle. Donc il ne faut pas sortir de
ce contexte pour placer dans les mains du Messie juif,
à son Retour, les balances d'un "Jugement dernier"
où, à la façon des dieux des
nations, le sort des âmes de toute
l'humanité serait réglé et
tranché par des verdicts divins définitifs.
Ici, il s'agit non du "Jugement dernier", mais d'un
"Jugement avant-dernier", préparatoire au "dernier
mot" que le Père se réserve de prononcer
lui-même. Il s'agit là du regroupement de "
l'Israël de Dieu" .
Le Christ, en effet, ne se substitue pas à son
Père et son Dieu. Il ne prend pas sa place. Au
contraire, il va remettre et offrir au Père,
après l'avoir triée et
épurée, l'immense assemblée des
"fils du Royaume", " l'Israël nouveau" né de
son sacrifice sur la croix, cette "Jérusalem d'en
haut " où sont unis, dans le salut, des juifs et
des non-juifs ressuscités. Triage de
"l'Église", non du "monde".
L'apôtre Paul annonce la même chose quand il
écrit :
" Le
Christ remettra le Royaume à
Dieu le Père, après
avoir détruit toute domination, toute
autorité, toute
puissance."
(1 Corinthiens 15 . 23-24)
|
L'expression "toutes les nations" indique que, dans
son "Église universelle" qu'en "Roi-Messie" il
aura à trier dés sa Parousie, il trouvera
des gens de toutes les ethnies de la terre. Pas seulement
des fils d'Israël. Peut-être même
serait-il bon de traduire: "il y en
aura de tous les peuples de la terre dans ce
rassemblement " ?
Le triage sera donc fait entre
"vrais" et "faux" chrétiens : à droite ses
authentiques fidèles (ayant manifesté leur
amour du Maître en aimant ses "petits
frères" dans le besoin), à gauche les
"chrétiens de nom", n'étant ses disciples
qu'en apparence. Salut par la foi (réelle !) et
non par mérites ! Fin du
mélange ! Fin et abolition du "
multitudinisme" ecclésiastique " ! Mais que le
lecteur se fasse lui-même sa propre opinion en
relisant ce passage, transcrit ci-dessous (trad. T.O.B.)
:
"Quand
le Fils de l'Homme viendra dans sa gloire,
accompagné de tous les anges, alors il
siégera sur son trône de gloire.
Devant lui seront rassemblées toutes
les nations et il séparera les hommes
les uns des autres, comme le berger
sépare les brebis des chèvres.
Il placera les brebis à sa droite et
les chèvres à sa gauche.
Alors le Roi dira
à ceux qui sont à sa droite:
"Venez, les bénis de mon Père,
recevez en partage le Royaume qui a
été préparé pour
vous depuis la fondation du monde. Car j'ai
eu faim et vous m'avez donné à
manger ; j'ai eu soif et vous m'avez
donné à boire ; j'étais
étranger et vous m'avez recueilli ; nu
et vous m'avez vêtu ; malade et vous
m'avez visité "; en prison et vous
êtes venus à moi."
Alors les Justes lui
répondront : "Seigneur, quand nous
est-il arrivé de te voir affamé
et de te nourrir, assoiffé et de te
donner à boire ? Quand nous est-il
arrivé de te voir étranger et
de te recueillir, nu et de te vêtir ?
Quand nous est-il arrivé de te voir
malade ou en prison, et de venir à
toi?"
Et le Roi leur
répondra : "En vérité je
vous le déclare, chaque fois que vous
l'avez fait à l'un de ces plus petits,
qui sont mes frères, c'est à
moi que vous l'avez fait !
Alors il dira
à ceux qui sont à sa gauche :
"Allez-vous en loin de moi, maudits, au feu
éternel qui a été
préparé pour le diable et pour
ses anges. Car j'ai eu faim et vous ne m'avez
pas donné à manger ; j'ai eu
soif et vous ne m'avez pas donné
à boire ; j'étais un
étranger et vous ne m'avez pas
recueilli ; nu et vous ne m'avez pas
vêtu ; malade et en prison et vous ne
m'avez pas visité "
Alors eux aussi
répondront: "Seigneur, quand nous
est-il arrivé de te voir affamé
ou assoiffé, étranger ou nu,
malade ou en prison, sans venir t'assister
?
Alors il leur
répondra : ´ En
vérité je vous le
déclare, chaque fois que vous ne
l'avez pas fait à l'un de ces plus
petits, à moi non plus vous ne l'avez
pas fait."
Et ils s'en iront,
ceux-ci au châtiment éternel, et
les justes à la vie éternelle."
(Ev. de Matthieu
25 . 31-46)
|
J'ai bien conscience que l'interprétation que
je propose de cette prophétie (anticipatrice et
exhortative) se heurte à un avis contraire de la
majorité des "biblistes". Je la garde
provisoirement : elle me paraît en harmonie avec le
soin que Jésus, même après sa
résurrection, met à laisser au
Père la liberté et
l'autorité de ramener à lui, s'il le
veut, même ces "maudits" mis à
gauche ! (cf. Apocalypse 19 & 20)
Bien plus ! En cessant de voir le "Jugement dernier"
dans cette scène de tri à
l'intérieur du peuple messianique "multitudiniste"
et " oecuménique" recruté jusqu'aux
extrémités de la terre, on peut mieux
considérer et comprendre tous les passages
bibliques qui soulignent :
la souveraineté de Dieu et sa
souveraine liberté d'être bon.
la "dépendance" du Fils, soumis
au Père même lors de sa Parousie. la
persistance de sa qualité et de son rôle de
Messie juif (non"occidentalisé ")
tout au long des "derniers temps" et y compris à
Sion et pour Sion lors de son Avènement.
l'unité entre lui et son
Israël "au complet" pour
réaliser la vocation "sacerdotale" et
"médiatrice" entre Dieu et toute
l'íhumanité, pour le salut du monde
entier.
la participation de tout son
corps (ressuscité et "trié") aux ultimes
décisions divines pour le salut de
tous. (I Corinthiens 6 . 2
et 3)
suite100-ladate.html