L'INDÉCISION DU PÈRE
Peut-on parler d'une indécision en Dieu ? Ce
serait ridicule si Dieu était "le dieu des
philosophes", immuable et impassible.
Mais si notre Père est le Dieu et le
Père du Fils unique, Jésus
"le fils de Joseph le charpentier
de Nazareth", alors on peut pressentir qu'il y a
actuellement une indécision et une tension
déchirante en Dieu :
--- d'une part il voudrait bien mettre fin tout de
suite au règne immémorial de "Satan", des
"puissances", du péché, des souffrances et
de la Mort. Il le peut, à chaque instant
prêt à dévoiler au monde entier son
amour miséricordieux, à arrêter sa
"colère".
--- mais d'autre part, il veut patienter encore ; il
veut encore continuer à solliciter la repentance
et l'amour de ses fils égarés ; il veut
encore que le témoignage de ses fidèles
accroisse le nombre des "fils du royaume",
déjà rassemblés par Jésus
dans le monde entier ; il est heureux de continuer
à faire venir au monde ses merveilleuses petites
créatures humaines de toutes couleurs qui naissent
sous toutes les latitudes ; il voudrait que les fils
d'Israël, par eux-mêmes et sans "voir" leur
Messie, reconnaissent enfin leur Sauveur ..
Bref, entre deux appels intérieurs de son
amour, il est sûrement déchiré.
Mais l'heure arrive où, comme cela s'est
produit pour Joseph le fils de Jacob, " il ne pourra plus
se contenir", il ne pourra plus cacher derrière sa
colère les sentiments de miséricorde et le
désir de salut qui bouillonnent dans son coeur, il
se fera reconnaître.
Ah ! Vivement ce dévoilement, cette "apocalypse
" ! En relisant cet " évangile" de Genèse
45, dites-vous que ce Joseph est non seulement "figure
prophétique de Jésus" (Blaise
Pascal le voyait admirablement) mais aussi "figure du
Père".
DIEU VA " CRAQUER "
Voici le dénouement bouleversant du
face-à-face de Joseph et de ses frères
:
"Alors
Joseph, incapable de contenir son
émotion devant les gens de son
entourage, leur ordonna de sortir. Ainsi
Joseph était seul avec ses
frères quand il se fit
reconnaître d'eux. Mais il pleurait si
fort que les égyptiens l'entendirent,
et que la nouvelle en parvint au palais de
Pharaon. Alors Joseph dit à ses
frères : "C'est moi, Joseph ! Mon
père est-il encore en vie ? Ses
frères furent tellement saisis qu'ils
furent incapables de lui répondre
Joseph reprit :
"C'est moi, Joseph,
votre frère que vous avez vendu pour
être emmené esclave en
Égypte. Ne vous tourmentez pas et ne
vous faites pas de reproches pour m'avoir
vendu ainsi ! C'est Dieu qui m'a
envoyé ici à l'avance pour que
je puisse vous sauver la
vie."
(Genèse 45 . 1-5 et chap. 37
à 50)
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Il vaut la peine de relire l'ensemble de ce
récit pour saisir non seulement l'art
littéraire de ce "suspense" dramatique mais
surtout le sens prophétique de ce
dénouement: le moment où Joseph "craque",
brisé par l'émotion. C'est le moment
où il est devenu "incapable de se contenir", dit
le texte.
Il fallait que brusquement éclate l'incroyable
tension qui, au plus profond de lui-même,
l'écartelait ":
d'une part sa justice rigoureuse et sa colère
légitime s'accompagnant de sa volonté
d'amener ses frères à la repentance.
d'autre part son ardent désir de leur faire
miséricorde, de pardonner leur crime, de se
réconcilier avec eux et de les sauver ; tout cela
à cause de son amour immense.
Comment faisait-il donc pour laisser sa juste
"colère" durer si longtemps, pour dissimuler si
longtemps son amour et sa miséricorde
derrière le masque du juge implacable ? ! Et
soudain, il "craque", laissant d'un seul coup exploser sa
miséricorde en se faisant connaître tel
qu'il est en vérité :
"c'est moi ! C'est
moi, Joseph ! Votre frère et sauveur
"
Ne nous contentons pas de dire :" comme cette histoire
finit bien ! !. Admirons plutôt la profondeur
divine de cet amour qui rend le bien pour le mal et de
cette miséricorde qui sait se servir même du
crime subi pour faire retomber une pluie de
bénédictions sur les criminels
eux-mêmes.
Comment donc ne pas voir que le patriarche Joseph,
fils de Jacob-Israël, est ici une éloquente
figure prophétique de Jésus, de ce
Jésus crucifié par ses frères mais
qui, par sa mort elle-même, devient leur sauveur ?
Si mes souvenirs sont exacts, c'est bien cela que notait
Blaise Pascal dans ses Pensées.
Mais il me plaît aussi de discerner
également en Joseph une "figure" de Dieu
lui-même, une image très fidèle de ce
que notre Père est, et de ce qu'il fait : sa
miséricorde !
Les hommes, et son peuple témoin encore plus,
lui font subir un calvaire : le supplice de son "Fils
unique". Mais grâce à cette souffrance il
donne à Israël et au monde entier un Sauveur
éternel et un salut total.
Il se sert du rejet, par les chefs juifs, de leur
propre Sauveur et Roi pour porter ce salut aux non-juifs
au milieu de tous les peuples de la terre. Puis lorsque
la majorité des juifs, s'endurcissant contre
l'évangile qui leur est prêché,
l'oblige à les endurcir et à les enfermer
"sous sa colère", il n'en continue pas moins
à se servir de cette désobéissance
pour rassembler une foule innombrable de "païens"
(les non-juifs) en les incorporant au "Reste"
fidèle, sa "Jérusalem Nouvelle..
Mais l'heure vient où, soudain, le Père
d'Israël va se dévoiler et se faire enfin
reconnaître (comme Joseph !) par les siens. Il va
le faire en faisant paraître son Messie "aux yeux
mêmes de ceux qui l'ont transpercé ", afin
que cesse leur aveuglement. Il va redonner à Sion
son Roi, ce Roi que le Père cache et garde pour le
moment dans son ciel, dans sa maison invisible.
Dieu aurait pu accomplir cet acte d'ultime
miséricorde depuis longtemps déjà.
Depuis le second siècle, ou au sixième
siècle, ou au dix septième, ou au
vingtième.... puisque le Messie Roi est "à
sa droite" depuis son ascension ! Pourquoi ne l'a-t-il
pas encore fait ? Plutôt que de chercher à
répondre à cette question, pensons
plutôt à la tension inimaginable qui est
encore vécue dans le coeur de Dieu :
d'une part il désire ardemment donner le signal
de la Parousie du Sauveur qui va faire Éclater sa
miséricorde finale.
d'autre part le temps de sa "colère" contre
Israël et contre toutes les nations n'est pas
encore, à ses yeux, terminé (tout comme
Joseph qui faisait si longtemps durer la mise à
l'épreuve de ses frères).
Alors le Père met à profit ces "derniers
temps "prolongés pour en faire entrer beaucoup
d'autres, encore d'autres, dans le peuple messianique
déjà rassemblé en "corps de
Christ".
Tension en Dieu, débat intérieur en
Dieu, indécision en Dieu, vrai drame "trinitaire"
( ?) ? Oui, comment fait-il pour "se contenir "? Comment
fait-il pour ne pas "craquer" ? Comment peut-il ne pas
déchirer les cieux et crier à tout
Israël et au monde :
"C'EST MOI
"!
En vérité, il va le faire !
Bientôt ! Que de larmes de joie, ce
Jour-là !
suite :
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